Cédric Delsaux

Il est impossible que vous ayez manqué cette année, la série « Dark lens » et le livre du même nom de Cédric DELSAUX, qui s’est incontestablement hissé au premier plan de l’actualité photographique.

Aux Confrontations, nous sommes fans pour une raison simple : face à cette série d’images, une étrange réflexion nous a traversé l’esprit : « alors c’était vrai … ce n’était pas un film ! ». Difficile en effet de ne pas être impressionné par ces personnages et véhicules tirés de la saga Star Wars que l’on découvre au détour de friches industrielles du nord de la France, de Dubaï ou de la région de Tchernobyl. On s’y croirait.

Mais Cédric DELSAUX a plus d’une corde à son arc et il serait réducteur de le limiter à ce coup de génie salué par Georges Lucas lui-même. C’est donc bien une sélection d’images de très grand format, issues de cette série « Dark lens », qui seront accrochées aux Confrontations Photo, mais pas seulement : DELSAUX nous étonnera encore mais cette fois avec ses photos des séries « 1784 » et « Nous resterons sur Terre ». Aux antipodes des galaxies lointaines, la première nous fera voyager dans le temps vers un univers baroque et décalé, la seconde nous permettra de retrouver notre bonne vieille Terre… dans l’état où nous la laissons parfois !…

Cet automne, l’espace que nous réservons à cette autre artiste incontournable devrait vous laisser sans voix…

Les 10 questions « Conf’» à Cédric Delsaux

Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?

 J’ai (presque) 38 ans (bientôt) deux enfants et je suis (toujours) aimanté par le mystère des  photographies.

Quel est votre parcours photographique ?

Atypique sans doute, je ne connaissais pas le milieu, je n’ai pas fait d’école photo, pas été assistant et je me suis lancé tard… à 28 ans. Avant et pendant 10 ans je photographiais dans mon coin, sans rien montrer à personne, et souvent sans même développer les pellicules… et puis un jour j’ai affronté ma timidité­ — ou mon orgueil ­— et je suis sorti de ma coquille. Je suis devenu photographe de pub et j’ai pu parallèlement lancer des séries personnelles « au long cours », parmi lesquelles « Nous resterons sur terre » publié en 2008 et « Dark Lens » en 2011.

Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?

Toutes celles qui par delà leur surface plate nous font entrevoir l’Abîme… qu’il soit fait de chair, de pierre ou d’acier… bref, toutes celles donc qui ne se contentent pas de jeux graphiques.

Comment naissent vos photos (prise de vue, traitement, impression) ?

Chaque série que je mets en place répond à un dispositif particulier, je peux être seul et travailler comme un photo-reporter ou être en équipe avec des comédiens, des assistants, une styliste, un maquilleur comme sur un plateau de cinéma. Cela se passe d’abord dans la tête, la logistique à mettre en place ne se fait qu’après. Je ne suis pas un fétichiste de la caméra ou de la pellicule. Il me semble que l’on diminue toujours l’aura des photographies en les réduisant à des particularités techniques. Je suis d’ailleurs passé sans trop de souffrances au numérique… dés lors que sa qualité était prouvée. Concrètement je travaille désormais avec un dos numérique Phase One (IQ180) des optiques Schneider et un traitement sur Capture One.

Qu’est-ce qui les inspire ?

Je ne m’habitue pas à contempler la Nature Humaine. Je ne m’habitue pas à vivre dans ce monde. C’est ma manière à moi d’être dedans… mais pas tout à fait.

Quels sont les photographes que vous admirez ?

J’admire ceux qui ont su trouver et tracer leur propre voie. Les premiers qui me viennent à cet instant sont : W. Evans, W. Eggleston, J. Sternfeld, D. Arbus aux USA  S. Duroy, B. Plossu ou D’agatha en  France. Et tant d’autres…

Quelle photo aimeriez-vous réaliser ?

Pour moi, cette question n’a pas de sens, une photo est un élément pris dans une série, un livre ou un questionnement. Elle ne peut guère valoir pour elle seule. Une série réussie pourrait être un ensemble de photos ratées… Derrière une photo, il doit y avoir un rapport au monde, une intimité particulière avec le réel. Cela suppose de prendre de la distance avec ce rêve un peu absurde de LA photo.

Ou alors, la photo « impossible » que j’aurai aimé faire c’est une photo d’avant l’invention de la photographie. Faire des images de la révolution française… au milieu des barricades… à la cour de Louis XIV… ou dans l’atelier de Rembrandt…

Quels sont vos projets actuels ?

Et bien, depuis bientôt un an je travaille sur le… pays de Gex ! C’est une étrange coïncidence… mais la série n’est pas terminée, j’ai donc du mal à en parler pour l’instant.  D’autant, qu’encore une fois, elle voisine avec des gouffres douloureux. Cela n’aura donc rien d’une carte postale… il n’y aura pas non plus d’incrustation de martiens ou de Super-Héros…

Qu’avez-vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?

J’aimerai proposer différentes séries : 3 ou 4. Histoire de ne pas me faire cataloguer comme Le photographe « Star Wars »… et peut-être de montrer au public que ces séries, malgré leurs différences visuelles, partagent les mêmes interrogations, tournent autour des mêmes obsessions.

Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?

J’aime bien l’idée, je souhaite depuis longtemps qu’une « littérature photographique » se mette en place, avec des Auteurs, défendus ou critiqués, des polémiques, des envolées, des prises de positions tranchées. Bref, sortir de ce grand ventre, parfois trop mou, de la photo qui avale tout sans renâcler. Il y a toutes sortes de photos et toutes sortes de publics, mais il faut apprendre à faire son propre tri, ces confrontations pourraient justement nous y aider.