La Fondation Gilles Caron

Invitée d'honneur des Confrontations Photo 2014

© Fondation Gilles Caron 2014

Comment raconter la fin des sixties aux générations actuelles, à leurs parents même, et aux enfants qui auront visité le festival des Confrontations ? Comment leur expliquer les secousses du monde, entre deux sales guerres : l’Algérie et le Vietnam ? Il faut des témoins pour bien rapporter une période si riche et si complexe qu’elle a engendré des bouleversements politiques, sociaux et humains sans qu’aucun continent ne soit épargné. Il faut des hommes et des femmes hors norme qui sachent partir, voir, raconter ensuite, des hommes et des femmes qui parfois ne reviennent pas… Gilles Caron était de ceux-là.

www.fondationgillescaron.org/

© Fondation Gilles Caron 2014

Profondément marqué par l’Algérie et ce conflit qui ne se disait pas, Gilles Caron va intégrer l’agence Apis en 1966 puis Gamma l’année suivante. Il fait sa place dans le cercle restreint des grands reporters de guerre en 67 lorsqu’il couvre avec un talent déjà indéniable la guerre des six jours, puis le Vietnam et l’effroyable bataille de Dak To. Quand il n’est pas à l’autre bout du monde, Caron photographie des sujets sociaux, des politiques, quelques auteurs, des stars du cinéma et de la chanson et bien sûr sa famille, ses deux filles. En 68, il est au Biafra d’abord avec McCullin en avril, puis avec Depardon en juillet. Entre ces deux voyages, il rentre à Paris pour réaliser quelques-unes des photos légendaires des événements de mai. En août 69, à Londonderry, au cœur du drame irlandais, il est témoin par l’image des défilés orangistes et des émeutes qui s’ensuivent. Le même mois, il couvre à Prague les manifestations marquant le triste anniversaire d’un printemps muselé. Début 70, il se rend au Tchad, observateur avec quelques journalistes, du conflit entre les rebelles et l’armée, reportage qui lui vaudra presque un mois de détention sur place.
Quelques semaines plus tard, il se rend au Cambodge où il disparait mystérieusement le 5 avril. Juste avant son départ, il avait dit au grand Robert Pledge « Je vais partir au Cambodge, ce sera la dernière fois. D’ailleurs, je resterai à Phnom Penh, je n’en sortirai pas, je ne prendrai aucun risque »…
De tous les superlatifs attribués à ce photographe de légende, nous retenons cette comparaison de Michel Puech en 2012 : « Caron est une icône. Il est au photojournalisme, ce que James Dean fut au cinéma, Buddy Holly au rock : un héros foudroyé dans la magnificence de sa jeunesse ». Dans la cohorte des grands reporters qui paient un si lourd tribut à la liberté d’information, Caron serait-il entré dans la légende sans une disparition prématurée ? Sans le moindre doute car il était assurément un surdoué de l’image. On est en effet bien loin du mythe quand on évoque le destin de cet homme qui aura trente ans pour l’éternité, même s’il est difficile de réaliser aujourd’hui que la carrière de Gilles Caron n’aura duré que cinq années. C’est pourtant bien lui qui nous aura laissé quelques-unes des icônes les plus fortes du XXème siècle : Moshe Dayan au mur des lamentations, ce GI pensif dont nous avons fait l’affiche des Confrontations, ce combattant biafrais portant des rockets sur la tête, Daniel Cohn-Bendit narguant les CRS devant la Sorbonne, quelques lanceurs de pavés…

© Fondation Gilles Caron 2014

Avec le sublime « Henri Cartier-Bresson » de Clément Chéroux² et un peu plus tôt le « Robert Capa, traces d’une légende » de Lebrun et Lefebvre³, Scrapbook est un ouvrage rare : de ces beaux livres photo qui touchent à l’intime de leur sujet au travers de documents, de lettres, de traces familiales pudiques tout en faisant la part belle aux images. Le Scrapbook Gilles Caron nous livre ainsi la bouleversante relation épistolaire du photographe et de sa mère, son amour pour Marianne, quelques jeux d’enfants, touchants, distillés comme un fil rouge entre les images de ses plus grands reportages. Toutes ces photographies, mais aussi les unes des plus grands magazines, les planches-contacts nombreuses et les notes et commentaires en font plus qu’une biographie, tout sauf un catalogue raisonné, sans conteste un document précieux pour aller à la rencontre de Gilles Caron, sentir le rythme enflammé qu’il a donné à sa vie, comprendre sa passion de l’image et l’humanisme qui imprégnait son travail.
« Ce livre est celui que je rêvais de faire pour Gilles » Marianne Caron-Montely en conclusion de la préface du livre.

L’espace Gilles Caron du festival des Confrontations Photo 2014 se compose de planches d’impression du livre « Scrapbook » alternant avec une sélection des plus importantes photographies du célèbre photojournaliste. L’ensemble est exposé grâce à l’aide précieuse de Madame Marianne Caron-Montely et des membres de la Fondation Gilles CARON qu’elle préside.

1 – Lienart 2012.
2 – Centre Pompidou 2013.
3 – Editions de La Martinière 2011.