Julie Poncet
Wallflower…
À l’heure où s’ouvre la rétrospective de Seydou Keïta au Grand Palais, on ne peut s’empêcher de voir chez Julie Poncet la scénarisation absolue et iconoclaste de fonds imprimés comme ceux que le photographe malien utilisait pour ses portraits. On pense aussi à l’ambiance saturées des photographies de Omar Victor Diop. La série Wallflower est cependant tout autre, comparable à un vieil épisode de « La 4ème dimension » que l’on aurait colorisé…
Le fond, mais aussi le plafond et puis le sol et finalement l’ensemble de l’image, submergés, presque étouffés de motifs, deviennent les sujets d’une mise en scène où se dissout l’image désuète d’une robe à fleur. Le personnage – autoportrait – semble tour à tour perdu dans cet envahissement coloré et angoissant, ou enfermé dans la quête obsessionnelle visant à inverser le processus d’uniformisation de l’ensemble du décor. Dans ce paradoxe traité avec un irrésistible humour surréaliste Julie pose ici la question de l’identité, de l’apparence et du choix si difficile de se fondre ou de ne pas se perdre dans la masse…
Copyright © 2016 - Julie Poncet
http://www.julieponcet.com
Les 10 questions Conf' à Julie Poncet
1
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
J’ai 34 ans et une formation en agronomie tropicale. Après 5 ans d’expatriation au Maroc, j’ai repris la photo et délaissé mon métier initial pour raconter des histoires en image.
2
Quel est votre parcours photographique ?
J’ai démarré la photo argentique et le labo au collège, pour suivre les copines au club photo. Après une longue pause, j’ai repris en numérique, principalement en studio, pour faire de la mise en scène. Mais je n’étais pas à l’aise avec la lumière artificielle, ni avec le côté vide du studio. J’ai alors commencé à réaliser des mises en scène dans des décors existants ou créé pour l’occasion.
3
Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Celles qui me rendent jalouse de ne pas y avoir pensé ?
Plus sérieusement, je distingue deux types de bonnes photos. Les photos « intelligentes » : celles qui par leur graphisme, mise en scène, détails disséminés servent parfaitement le concept/idée qui les sous-tendent. Et les photos qui me scotchent : celles dont je ne peux pas me détourner le regard, quelque soit le sentiment qu’elles provoquent en moi.
4
Comment naissent vos photos (prise de vue, traitement, impression) ?
Lié à ce que je disais concernant les « bonnes » photos, je travaille de deux manières différentes.
Souvent, les idées naissent la nuit, inspirées par des photos, films ou conversations que j’ai pu avoir dans les jours qui précèdent. Je les note alors tout de suite, et je creuse un peu, histoire de libérer mon esprit pour dormir. J’y reviens ensuite à tête plus reposée et essaie de constituer une série entière. Je liste ensuite ce dont je vais avoir besoin pour réaliser chaque image : lieu, accessoires, modèles, vêtements. La préparation avant la prise de vue peut être très longue, surtout si je dois monter les décors. La prise de vue doit ensuite être très rapide : si les photos ne correspondent pas très vite aux images que j’ai en tête, j’abandonne. Je fais ensuite l’éditing et le traitement dans la foulée, tant que je suis dans l’ambiance. Si je ne traite pas le jour-même, c’est souvent signe que les photos finiront à la poubelle. Je peaufine ensuite les jours suivants les traitements, que je reprends toujours avant l’impression : comme je travaille vite, je ne suis pas très méticuleuse, il y a toujours des erreurs à rectifier.
Voilà pour la partie très travaillée, pensée en amont, très construite.
Ensuite je peux faire des photos de manière plus instinctive. Ce sont alors des photos qui m’inspirent. J’ai envie de me les approprier, de faire renaître le sentiment qu’elles ont provoqué en moi. Je travaille alors sans plan préalable, je me laisse guider par mon humeur et ce que j’ai à ma disposition. Du coup la réalisation est plus chaotique, elle n’aboutit pas toujours. Mais on peut avoir de jolies surprises à l’arrivée.
5
Qu’est-ce qui les inspire ?
Je grille les étapes et les questions, pardon. Je dirais donc principalement les travaux des autres en photo, mais aussi au cinéma. Je ressors souvent d’une expo ou d’un film avec une envie de série, même vague.
6
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Erwin Olaf, Gregory Crewdson, Alex Prager, Sarah Moon et Mac Adam. Je rajouterai Wong Kar Wai, Alfred Hitchock et Wes Anderson qui font aussi de l’image et des histoires.
7
Quelle photo aimeriez-vous réaliser ?
Il y en a beaucoup, ce ne sont pas les idées qui manquent, mais les moyens de réalisation. J’aimerais notamment peaufiner les ambiances lumineuses. Me rapprocher du travail de Wong Kar Wai dans le rendu.
8
Quels sont vos projets actuels ?
Le projet triangle : un travail sur le format triangulaire que nous lançons avec Gérald Vidamment et Julie de Waroquier. L’idée est de rassembler des photographes intéressés, mais aussi les autres intervenants du monde de la photo (tireurs, encadreurs, écoles photo…) afin de lancer une véritable réflexion et des travaux autour de ce format. Si d’ailleurs l’aventure vous tente, je vous invite à nous contacter.
Sinon j’ai deux polars photo dont les scénarios sont écrits, qui attendent que je me lance.
Un projet plus mode aux contours encore très flous, qui a surgit lors d’une sieste, et enfin un projet portrait en diptyque.
9
Qu’avez-vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?
Lorsque j’ai travaillé la série Wallflower, j’avais vraiment pensé la scénographie finale, amener le spectateur à se mettre à la place du photographe et pénétrer dans l’univers du personnage de la série. Les confrontations m’offrent l’occasion de réaliser ce que j’avais exactement en tête. J’espère que vous aimez les motifs !
10
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
La découverte, l’échange de points de vue, de regards. Aborder les choses sous un autre angle, un autre point de vue, questionner son propre regard.