Jean-Marie Ghislain

Jean-Marie Ghislain

© Jean-Marie Ghislain 2018

Il est parfois inutile de chercher à créer un long discours pour décrire le travail de certains photographes. Il est vain de décrire longuement la démarche, la technique, le projet, en particulier lorsque ce qui nous est donné à voir est simplement beau. Vocable tabou s’il en est dans le monde de l’art, la beauté s’impose cependant parfois au point de se suffire à elle-même. C’est le cas des images de Jean-Marie Ghislain qui font l’objet d’une double exposition cette année dans le parc du Domaine de Divonne, certaines même au milieu des sources thermales…

http://ghislainjm.com/

Pour reprendre les mots de Jean-Marie Ghislain, le projet « Nai’a » qui a également permis la réalisation du livre « L’enfant de l’océan » raconte « un parcours atypique, une grossesse au plus près de l’océan et de différentes espèces de cétacés. Il parle de l’imprégnation d’un enfant à naître par le chant des baleines et le sonar des dauphins et cachalots ». Pour notre part, nous nous contenterons d’inviter le public à une longue et sereine déambulation au cœur du parc divonnais… Là, entre les arbres, et comme survolant leurs propres reflets dans les lacs cristallins, ces images nous transporteront dans la « matrice universelle qu’est l’océan » où l’auteur fait bien sûr rimer humanisme avec naturalisme…

© Jean-Marie Ghislain 2018

Les 10 questions Conf' à Jean-Marie Ghislain

1

Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?

Je suis né en Belgique, j’ai passé la moitié de ma vie d’adulte à l’etranger.
Toutes mes démarches sont motivées par une quête de sens et tendent vers une meilleure compréhension de notre rapport au vivant. Je suis sensible au beau et n’hésite pas à le réveler pour mieux nourrir le public confronté à mes photos. C’est la peinture classique et moderne qui m’ont influencé au niveau artistique, je peints avec un appareil photo plus que je ne photographie.

2

Quel est votre parcours photographique ?

Je prends des photos depuis la sortie de l’enfance, j’ai suivi les études de photographie à l’Institut Saint Luc de Liège et ce n’est qu’en 2009 que je vais mettre mon travail photographique au service de la défense des océans et de ses habitants. Six ans consacrés quasi exclusivement aux requins avec la sortie du livre « L’invitation » une tentative de réhabilitation de ces animaux dans la conscience collective.
Ensuite une étude des rapports inter-espèces avec une belle parenthèse pendant la grossesse de Leina. Nous avons voulu offrir à notre future enfant une immersion parmi les baleines à bosses – pour leur chant – les cachalots et les dauphins – pour leurs vocalises et leur sonar. Ces aventures ont fait l’objet d’un livre co-signé avec Leina Sato « l’enfant de l’Océan »
Depuis 4 ans une mission photographique plus personnelle « Océan Mood » : documenter l’impermanence à travers l’infinie variation de notre perception d’un paysage sous-marin au gré des humeurs de l’Océan.

3Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?

Une bonne photo suscite une interrogation sur notre rapport à la vie, aux autres, aux différentes réalités physiques et émotionnelles. Elle est le reflet de la pleine conscience du photographe au moment de la prise de vue.

4

Comment naissent vos photos (prises de vue, traitement, impressions) ?


Je ne travaille qu’en lumière naturelle même sous l’eau, ma photographie n’est pas posée, ni construite, elle est naturelle, spontanée au gré des rencontres, des situations, des variations de lumière.
J’édite mes images en fonction de chaque sujet ; je privilégie le noir et blanc mais je peux maintenir la couleur lorsqu’elle participe à la cohérence du concept, comme par exemple dans Océan Mood.
Je mets un soin particulier à la réalisation de l’objet photographique final : choix du type de papier, de la technique d’impression, du montage et de l’encadrement.

5

Qu’est ce qui les inspire ?


Les photos sont prises dans une perspective bien précise : elles doivent alimenter un sujet, « servir » une meilleure compréhension de l’idée sous jacente et mettre en mouvement une dynamique émotionnelle lors de la confrontation.

6

Quels sont les photographes que vous admirez ?


J’ai longtemps rêvé d’être photographe de guerre, pour de mauvaises raisons d’ailleurs, donc Robert Capa, Reza Deghati, Larry Burrows, Steve McCurry et dans d’autres registres : Ansel Adams, Annie Leibovitz, Nobuyoshi Araki, Henri Cartier Bresson, etc.

7

Quelle photo aimeriez-vous réaliser ?


Je n’ai pas une image particulière en tête mais elle devrait symboliser la réconciliation de l’homme avec la nature.

8

Quels sont vos projets actuels ?


Je continue à travailler sur le rapport humain/autres espèces avec l’intention d’associer dans notre projet majeur une lecture sientifique qui permet de mieux comprendre ce qui se passe lors des rencontres.
Je travaille à de nouveaux « paysages » et sur le rapport de la femme à son corps et à son image dans les différentes cultures.

9

Qu’avez vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?


Les images exposées ont une double symbolique, elles illustrent la transmission de la mère à l’enfant mais aussi le lien de l’Homme à la matrice universelle qu’est l’Océan et à ses habitants.

10

Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?


Vous savez à quel point un photographe se coupe de l’expérience lorsqu’il prend des clichés. J’ai maintes fois été très surpris par les émotions qui surgissaient lorsque j’étais face à des images que j’avais prises quelques mois plus tôt, les regarder dans une exposition étaient une véritable confrontation à ce que j’avais vécu à l’instant de la prise de vue. Aujourd’hui nous avons malheureusement de moins en moins de temps de nous imprégner des émotions suscitées par une photo car nous sommes en permanence bombardés par de nouvelles images, nous vivons une véritable érosion émotionnelle que seul un rapport direct à la nature peut équilibrer.