Marion Saupin
Les images sont épurées, étrangement apaisées, mettant en scène un corps tourné, pudique, comme la toile sur laquelle Marion tisserait le récit de ses voyages au fond d’elle-même. C’est sur le dos que chacun porte tout le poids d’une vie, tout autant que le bagage confié ou imposé par les générations passées. Ce lourd fardeau nous construit et nous pèse et parfois resurgit de nos songes. On retrouve ainsi dans la série « Fragments de rêves » les stigmates cachés d’une vie, d’étranges excroissances et un hommage à Magritte, spécialiste du genre. Pour interpréter le reste, il faudra parler avec Marion, ses mots à n’en pas douter sont aussi élégants que ses images…
© Marion Saupin 2018
Les 10 questions Conf' à Marion Saupin
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Éternelle rêveuse de 26 ans, passionnée par le monde du rêve et par la poésie de l’étrange.
Quel est votre parcours photographique ?
Après un bac Arts Appliqués à Quimper, Je suis arrivée à Paris pour faire un BTS photographie, ce qui m’a permis d’obtenir la technique nécessaire pour réaliser beaucoup d’images que j’avais en tête, donner vie à des personnages que je dessinais. Mais la technique ne fait pas tout, et je voulais me recentrer dans le domaine de l’art. J’ai donc ensuite fait une licence arts plastiques spécialisation photo et art contemporain. J’ai vraiment passé des belles années d’études.
J’ai mis beaucoup de temps à accepter de montrer mon travail.
Jamais satisfaite (et toujours pas, d’ailleurs), c’est après mon premier envoi d’une photo à un magazine, photo qui a obtenu un prix, que je me suis dit que je n’avais rien à perdre et que même les échecs m’aideront à avancer.
J’ai la chance d’avoir pu exposer mon travail à plusieurs reprises, d’avoir eu diverses publications et d’avoir travaillé avec des personnes formidables. Alors je ne compte pas m’arrêter !
Je fais aussi partie du collectif Amaranthes avec les photographes Solène Ballesta, Alexandra Banti, l’autrice Anne-Rebecca Willing, et l’illustratrice Délicate Distorsion. Nous travaillons sur divers projets ensemble et nous avons entre-autre sorti notre livre « Lunes ».
Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Pour moi une bonne photo, ça n’a rien à voir avec la technique, mais avec ce qu’elle arrive à transmettre, comme émotion, comme énergie.
Que son but fonctionne, que ça soit faire rêver, perturber, choquer, ou alors qu’elle nous ramène à un souvenir personnel. Qu’elle nous « scotche ».
Comment naissent vos photos (prises de vue, traitement, impressions) ?
Parfois c’est complètement préparé (croquis, textes etc) et parfois complètement improvisé.
J’aime bidouiller, fabriquer des accessoires et pleins de trucs bizarres (à mettre sur la tête et à coller sur le visage de mes modèles, entre-autre…).
Parfois ça n’a pas de sens, c’est juste les idées qui viennent là, tout de suite, comme ça.
J’aime pouvoir créer en fonction de mes envies, et je ne remercierais jamais assez la grande confiance que m’accordent mes supers modèles, qui m’accompagnent dans mes « délires » photographiques !
Pour la plupart de mes personnages, j’invente une petite histoire, je décris leur vie et leur caractère à mes modèles, et ça devient un jeu théâtral.
La complicité et la bonne ambiance avec les modèles sont très importantes pour moi, c’est avant tout une expérience humaine. On rit beaucoup…
Je m’inspire beaucoup de la peinture et de la photographie ancienne (entre autres les poses strictes dues aux contraintes techniques de l’époque), et je travaille beaucoup en clair-obscur.
Soit je travaille sur des ambiances très sombres, soit au contraire extrêmement lumineuses. Les images se construisent principalement en studio, pour créer mon image de A à Z un peu comme un labo expérimental.
Souvent les images sont assez épurées ; pas trop accessoires ou de gros décors, j’essaye d’enlever tous repères pour laisser libre cours à l’imagination.
Qu’est ce qui les inspire ?
Mes rêves, l’art en général et la nature.
Mais surtout mes moments d’égarement, ces instants où on ne fait rien, où on est dans les transports, où on marche par aller quelque part, ou nul-part ; ces moments précieux ou mon esprit vagabonde.
Les petites histoires que je me raconte, les petits « imagine si… ».
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Il y en a beaucoup… Tim Walker, Eugenio Recuenco, Sacha Goldberger, entre autres.
Mais il y a aussi beaucoup d’autres artistes qui m’inspirent, comme Magritte et Dali par exemple et beaucoup d’illustrateurs aussi, comme Nicoletta Ceccoli, Benjamin Lacombe etc.
Quelle photo aimeriez-vous réaliser ?
Difficile à dire, j’ai beaucoup de projets en tête. Souvent, ça devient obsédant, et je veux les réaliser tout de suite et maintenant, mais ce n’est pas toujours faisable… Et parfois c’est de la totale improvisation.
Quels sont vos projets actuels ?
Continuer à travailler sur les thèmes qui me sont chers et aller plus loin, j’aimerais me mettre plus en danger par rapport à ce que je fais d’habitude. Et aussi beaucoup de projets en photographie culinaire.
Qu’avez vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?
Une de mes séries qui me tient à cœur, qui, je pense, représente assez bien tout ce que j’ai dans la tête. J’espère pouvoir faire « voyager » les spectateurs, les permettre d’oublier un peu la réalité et se laisser embarquer « ailleurs ».
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
Du partage et encore du partage ! Rencontrer d’autres univers, d’autres démarches. Des avis constructifs et honnêtes, et tout ce qu’il faut pour permettre de continuer à avancer.
Mais aussi se « confronter » au regard des gens.