Claire et Philippe Ordioni
Tout d’abord et parce-que des images de cinéma nous viennent immédiatement : les amis de Nickolson dans Vol au-dessus d’un nid de coucous, Albin qui pleure devant son miroir en se démaquillant, la scène où l’on découvre l’immense abdomen d’Alien, Les enfants du paradis, La Citée des enfants perdus… Tiens, n’y aurait-il pas toujours des enfants derrières ces visages grimés…
Ensuite le monde du spectacle : le cirque, sa parade et son orchestre, un cabaret burlesque vu récemment, un certain transformiste italien, un numéro qui ne marche qu’à moitié avec un artiste coincé dans son costume, un vieux mime, un rire hystérique car il faut bien sauver les apparences…
Enfin et parce-que nous faisons les Confrontations Photo pour que le public se souvienne de nos invités, nous imaginons une promenade au milieu de ces étranges personnages costumés, si blancs et pourtant souvent si pleins de références à la couleur. Nous imaginons les gamins de Gex reconnaissant leur grand-mère ou un vieil oncle et leurs parents se disant qu’ils ont raison.
Alors les Ordioni, qu’est-ce qui peut susciter autant de souvenirs, de références et de plaisirs anticipés dans vos images ? Sans doute votre indéniable talent pour mettre en scène avec bienveillance de curieux personnages qui nous ressemblent tant. Sans doute aussi parce que vous ne nous parlez finalement que de nos propres secrets en réussissant à ne jamais nous faire peur…
© Claire et Philippe Ordioni 2018
Les 10 questions Conf' à Claire et Philippe Ordioni
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Père de l’une et fille de l’autre, nous travaillons ensemble sur divers projets depuis de nombreuses années. En 2010, nous commencions l’écriture d’un court métrage de science fiction, puis une étude de personnages a malencontreusement dérivé vers les « Portraits baroques ». Depuis, d’autres séries photographiques se sont imposées. Un jour, peut-être, finirons-nous le scenario ?
Quel est votre parcours photographique ?
Philippe :
Autodidacte issu de la génération argentique, après un passage laborieux au numérique, j’entreprends en 2006 une collaboration avec la plasticienne Rodia Bayginot, un « work in progrès » comprenant plus de deux mille portraits.
En 2010, avec Claire, nous imaginons les premiers « Portraits baroques ».
Claire :
Mes moyens d’expressions tendent plus vers la scène et la mise en scène que dans l’acte photographique même s’il m’arrive de passer derrière l’objectif pour certaines prises de vues.
Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Philippe :
C’est de l’ordre de l’irrationnel. Qu’elle fasse appel à l’intellect ou touche directement aux trippes, c’est est une image qui s’impose. Je peux même ne pas l’aimer, elle sonne juste et reste ancrée en moi. Pourtant, je suis conscient de passer régulièrement à coté de bonnes photos par manque de disponibilité ou de culture.
Trop de photographies, mises en avant par certains magazines, concours ou galeries n’ont pour moi qu’un intérêt esthétique. Belles et lisses ou inutilement provocatrices elles n’en demeurent pas moins creuses, vides de sens. Le public tend alors à ne plus différencier le beau du bon.
Être ou paraître telle est la question… mais le décoratif fait toujours recette, le marché du paraître n’est pas près de s’arrêter.
Claire :
Un miroir magique.
Comment naissent vos photos (prises de vue, traitement, impressions) ?
Claire et Philippe :
Réalisées en studio, toutes nos séries baroques sont construites en plusieurs étapes ; nous étudions d’abord à deux les personnages en fonction des modèles qui doivent venir poser, leur imaginons des costumes et accessoires qui pourraient convenir aux situations.
Le jour de la prise de vue, le modèle s’approprie les personnages proposés qui peuvent alors évoluer, se transformer et nous surprendre… Un peu comme un jazzman improvisant autour d’un thème qu’il connaît bien, nous privilégions un espace de liberté qui va donner du sens à la séance organisée.
Le traitement appliqué aux Portraits baroques est réalisé sur Lightroom, Photoshop et Silver effex.
Qu’est ce qui les inspire ?
Claire et Philippe :
Ce qui nous entoure, l’Histoire, les arts, la vie, les gens, les animaux, Mary Shelley, Lou Reed, PJ Witkin, les Dechiens, le sourire de Jack Nickolson, celui de Buster Keaton, le labyrinthe de la Margarita de Jan van Eyck, les fantômes du docteur Mengele, la dignité des arbres centenaires, la rouille, les fous rires incongrus, la puissance du vide, le terminus.
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Claire et Philippe :
La liste est trop longue…
Quelle photo aimeriez-vous réaliser ?
Philippe :
Voir question 3 !!!
Claire :
Celle qui touche un nerf inconnu.
Quels sont vos projets actuels ?
Claire et Philippe :
Fêter dignement en 2020 les dix ans de notre collaboration baroque avec la publication d’un livre regroupant l’ensemble de notre travail ainsi qu’une exposition incluant d’autres formes d’expressions artistiques.
Qu’avez vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?
Claire et Philippe :
Un peu de nous, un peu de vous…
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
Claire et Philippe :
Un face à face entre des images et un public, une galerie des glaces.