FLORE
© FLORE 2020
Les 10 questions Conf' à FLORE
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Je suis artiste-photographe. La photographie telle que je la pratique est un « endroit vivable » pour moi dans le monde tel qu’il existe actuellement.
Ma conviction est que l’Art reste aujourd’hui un des derniers espaces de liberté, avec l’Amour peut-être, en ce sens c’est une forme politique « d’être au monde ».
Quel est votre parcours photographique ?
Pour résumer brièvement, je suis franco-espagnole, née en 1963, je vis et travaille actuellement à Paris.
Enfant précoce, fille de l’artiste peintre et graveur Olga Gimeno, j’ai grandi dans l’atelier de ma mère. J’ai commencé à gagner ma vie avec la photographie à partir de l’âge de 16 ans. Je suis autodidacte.
Après avoir travaillé durant 15 ans pour la presse nationale comme photographe de théâtre, puis comme portraitiste, je me suis consacré exclusivement à mon travail personnel à partir 2008.
Lauréate du Prix de l’Académie des beaux-arts – Marc Ladreit de Lacharrière (2018), du Prix Photofolies, ville de Rodez (1998) et finaliste du Prix Swiss Life à 4 mains (2020) et Hariban Award (2017), mes séries se réalisent sur le long cours, souvent lors de voyages, et sont acquises ou présentées dans différentes institutions prestigieuses comme le Musée du Petit Palais, le MMP+ de Marrakech, le Mémorial de Rivesaltes la Bibliothèque Nationale de France ainsi qu’à l’occasion d’Artfair internationales comme Paris Photo, Photo London, Fotofever, Marrakech Art Fair, Daegu Art Fair ou la Snif Art Fair de Osaka.
En parallèle de mon activité artistique, je donne régulièrement des masterclass.
Je suis représentée par la Galerie Clémentine de la Féronnière/Paris, la Galerie 127/Marrakech, la Blanca Berlin Galeria/Madrid, la Galerie Wada-Garou/Tokyo et M.K.W Art Gallery/New-York.
3Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Pour moi, une bonne photo, c’est une photo qui est le reflet de la pensée et/ou des émotions, de l’engagement photographique de son auteur.
Comment réalisez-vous vos photos (prise de vue, traitement, etc…) ?
Après avoir choisi un nouveau sujet et m’être documentée si nécessaire, je vais choisir soigneusement les moyens techniques qui me semblent les plus appropriés pour restituer l’émotion première qui a motivé le choix de ce nouveau travail.
Je crois en une forme expressionniste du tirage et c’est cette recherche qui m’intéresse plus particulièrement ; la relation intime entre le fond et la forme.
Comme je pratique beaucoup de techniques différentes, du platine-palladium au numérique en passant par l’argentique, je me demande très en amont, le plus souvent avant la première prise de vue, quelle technique va être la bonne pour le sujet même si je me sens très libre de tout remettre en question en cours de route.
J’accorde une réelle importance au choix du boitier, à la fois pour son format et pour sa qualité optique.
Si je suis en argentique, je vais aussi choisir un film particulier.
Le plus souvent, j’essaye plusieurs papiers même si j’avais une idée à la base. Je me laisse une chance de me dépasser.
J’aime bien avoir du temps pour cette période qui est aussi importante pour moi que celle de la prise de vues
Quasiment tous mes tirages sortent de notre atelier ; la partie numérique est essentiellement réalisée par mon compagnon Adrian Claret.
Cette organisation nous offre une grande liberté d’expérimentation.
Qu’est ce qui les inspire ?
Presque toujours, même si c’est imperceptible pour celui qui regarde ou que le sujet semble simple, mes photos prennent leur source dans mon passé.
C’est une source très profondément enfouie et, parfois, ce n’est qu’au milieu du travail que je peux expliquer clairement quel est l’évènement ou la lumière ou le souvenir auquel elles font écho.
Dans l’ensemble, elles se confrontent au mystère du temps qui passe, à notre condition de mortels, à la fragilité des souvenirs et à la capacité de la photographie de créer de la vérité plus vraie qu’une réalité, si j’ose dire.
Dans le cas de Lointains souvenirs, elles sont inspirées par certains textes de Marguerite Duras de manière visible et de manière invisible, pour ceux qui ne me connaissent pas, d’un côté par les récits que me faisait ma grand-mère paternelle de sa vie en Indochine lorsque j’étais une enfant et d’un autre par le fait que cette dame que nous visitions très peu soit restée une inconnue pour moi de son vivant. L’ensemble est irrigué par l’espace de liberté que j’ai trouvé à la fréquentation de l’œuvre de Duras.
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Je ne dirais pas qu’il y a des photographes que j’admire mais plutôt qu’ils ont compté pour moi lorsque je les ai découverts et qu’ils ont influencé mon travail.
Le premier est Robert Capa. Je suis franco-espagnole et j’ai vu son travail sur la guerre d’Espagne, toute petite, via les calendriers de Solidarité Internationale Antifasciste que nous recevions chaque année. Je ne me suis jamais lassée de son humanité.
Adolescente, quand j’ai commencé la photographie, trois photographes ont marqué, je pense à jamais mon regard et mon esthétique.
Le premier est Josef Sudek, sa manière de regarder la beauté du peu. La deuxième est Sarah Moon, ses images sans blancs. Le dernier mais non le moindre est Robert Mapplethorpe et son fameux soft.
Être autodidacte, donc seule à chercher dans ma chambre noire, m’a évité l’écueil de les copier.
Il y a quelques années, ma découverte du travail de Miroslav Tichy a été très importante en m’ouvrant un nouvel espace de liberté intérieure.
C’est aussi, ce que m’apporte la fréquentation de Marguerite Duras en tant que créatrice, une plus grande liberté.
Quelle photo rêveriez-vous réaliser ?
Une photo meilleure que celles que j’ai pu faire jusqu’ici. Dans ce sens qu’elle serait inattendue. Qu’elle signifierait un endroit de moi encore inconnu jusque-là.
Quels sont vos projets actuels ?
J’ai le privilège d’être la dernière lauréate du Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière -Académie des Beaux-Arts, donc en ce moment je travaille sur l’exposition qui aura lieu fin octobre à l’Institut de France. J’y accorde beaucoup d’importance et de soin pour en faire un événement digne de la confiance qui m’a été accordée.
En parallèle, avec ma galeriste et éditrice Clémentine de la Féronnière, nous préparons le livre qui va sortir chez Maison CF à cette occasion.
Il s’agit d’un nouveau projet autour de Marguerite Duras, forcément différent et qui me tient beaucoup à cœur.
Le titre en est « L’Odeur de la nuit était celle du jasmin ».
Quelle série nous présentez-vous lors de cette édition des Confrontations Photo ?
La série montrée à l’occasion de Confrontations Photo s’appelle Lointains souvenirs.
Il s’agissait pour moi d’incarner un choix de textes que Marguerite Duras a écrit autour de son enfance indochinoise, en particulier, la partie consacrée à son amant chinois.
Mes grands-parents paternels ayant vécu en Indochine à la même période, j’ai fait appel aux histoires entendues dans mon enfance pour nourrir le travail.
Cette série de 2016 a fait l’objet d’un livre éponyme aux Editions Contrejour.
Pour terminer, que vous évoque l’expression « Confrontations photographiques » ?
Cette expression évoque quelque chose de fondamental pour moi, à savoir la multiplicité des possibles photographiques dont il me semble nécessaire de prendre soin afin qu’elle continue de pouvoir exister.