Galerie Rastoll
Les 8 questions Conf' à François Rastoll
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Nous existons maintenant depuis 5 ans, nous sommes donc encore une jeune galerie parisienne. Notre choix se porte essentiellement sur la représentation d’artistes débutants ou émergeants, même si aujourd’hui certains d’entre eux sont passés au niveau au-dessus. Notre objectif est de proposer et de faire bénéficier les artistes de notre expérience dans la gestion de A à Z de leurs premières expositions. Depuis un an, nous organisons également des expositions à l’étranger, Espagne, Asie et Europe du nord en cours de finalisation.
Comment est née la Galerie Rastoll ?
Ça a démarré simplement en organisant des expositions pour moi et d’autres artistes, dans une galerie où je travaillais. Ce temps passé en galerie m’a permis de voir ce qu’il était possible de faire et de ne pas faire mais aussi d’établir des projets réalistes à court, moyen et long terme. Il y a 5 ans, l’opportunité de louer un local dans la même rue s’est offerte à moi ; j’ai donc sauté le pas en mettant toutes mes économies dans le projet. Finalement, entre le moment où j’ai décidé de le faire et celui où ça s’est fait, il ne s’est passé que quatre mois intenses, fous mais passionnants.
Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Une bonne photo est avant tout une photo qui me plait, au-delà de toute considération de signature et de technique photographique. Je suis moi-même autodidacte dans tout ce que je pratique ; de ce fait, j’ai toujours privilégié la démarche artistique à la démarche technique ; bien sûr, il existe certaines photos techniques qui sont aussi très belles artistiquement, mais c’est quand même très rare. Pour moi, au final, une bonne photo, c’est celle qui me raconte une histoire, qui me permet de voir différemment, qui crée une émotion réelle et qui me fait réfléchir, voire même qui me confronte à mes idées.
Qu’est-ce qui inspire vos choix ?
La différence est déterminante. Je suis le seul facteur commun à tous les univers que j’expose dans la galerie ; il y a donc un fil conducteur mais uniquement perçu par moi. Les artistes que je rencontre sont tous différents, même si parfois très proches dans leurs univers ou influences photographiques. Ce qui va m’inspirer, c’est la construction de la relation avec l’auteur. Celle-ci est très importante et peut prendre du temps, car je dois pouvoir voir au-delà de ce qu’il(elle) présente aujourd’hui. Je prends le temps d’écouter les différents projets pour ne sélectionner que ce qui me semble le plus mature artistiquement. Finalement, l’inspiration de tel ou tel choix comme de tel ou tel artiste est aussi complexe que le processus créatif. Il m’impose juste d’éviter de trop me tromper. 😊
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Il y en a énormément. J’ai une culture très diverse et une grande collection de livres photo mais aussi peinture ; je vais voir une à deux expositions par semaine rien que pour élargir ma connaissance dans le domaine de l’art. Ça va de Robert Franck à William Klein en passant par les japonais comme Daido Moriyama ou Takehiko Nakafushi, mais également Michael Akerman, Jacob Aue Sobol, Gilles Roudières et Stéphane Charpentier. L’univers de la peinture est aussi important car c’est par là que j’ai commencé à exposer il y a 27 ans, et là aussi les sources d’inspiration sont très diverses, comme William Turner, Rembrant, Salvador Dali, Joan Miro ; Mark Rotko ou encore Zao Wou Ki ; ces artistes sont pour moi le miroir de mes goûts en photographie, car finalement, je mets systématiquement le travail d’un peintre derrière celui d’un photographe ; ça me permet de voir l’œuvre photographique sous un prisme plus large et bien sûr différent de ce qui se fait normalement. Mais j’en oublie sûrement beaucoup. Finalement, mes goûts évoluent constamment, non en fonction des modes mais de mes humeurs. Parfois je veux voir de la couleur et parfois du noir et blanc très contrasté, du net ou du flou ; je me laisse, encore une fois, porter par les histoires que je peux me raconter en regardant ces images.
Quels sont vos projets actuels ?
À la suite de la crise qui nous a touchés en mars, beaucoup de projets se sont mis en stand by sur l’année en cours et la suivante, puisque nous travaillons avec un décalage d’un à deux ans. Je souhaite faire voyager les expositions parisiennes à l’étranger avec des galeries partenaires ; c’est ce que je fais déjà avec l’Espagne et le Japon. Je suis en train de préparer des échanges avec Berlin, Londres, Bruxelles et Amsterdam. Mon idée à long terme serait d’avoir douze galeries partenaires qui feraient tourner chacune à leur tour l’exposition du mois précédent. Cela permettra de faire vivre de différentes manières sur un an le travail d’un artiste. Mais cela implique de renforcer l’équipe ce qui ne sera pas une mince affaire.
Qu’avez-vous envie de nous montrer lors de cette édition des Confrontations ?
Pour cette édition, je suis parti de l’exposition commune référence de la galerie qui s’appelle Urbanitas. C’est avec cette première exposition, il y a six ans que j’ai vraiment pris plaisir à travailler pour les autres. En septembre 2020, nous avons fêté la 10ème édition d’Urbanitas, en même temps que les 5 ans de la galerie. Je voulais donc montrer ce que la génération émergeante peut proposer en matière de photo de rue, urbaine ou architecturale. J’ai volontairement effectué une sélection toute en noir et blanc pour souligner les éléments d’abstraction et de symbolisme, qui sont plus forts dans ce style, sauf pour le photographe Danile Kraila-Cohen qui reflète un autre aspect de la ville. Deux alcôves présentent aussi des travaux distincts et plus complexes comme celui de CarCam avec une vision de la rémanence d’un souvenir d’adolescence ou encore Christophe Airaud qui travaille sur la notion de disparition en fonction de l’évolution de notre vie. Le mur du fond, que j’ai investi avec ma série Prédateur, illustre la continuité dans la capacité de l’Homme à construire artificiellement un décor dans lequel il se sent bien. Ici l’urbanisme devient forestier. Tout parait naturel mais rien ne l’est vraiment. Finalement, ce que j’aimerais que l’on retienne de cette sélection, c’est la diversité de points de vue sur des lieux que nous traversons tous les jours, qu’ils soient urbains ou naturels et sur lesquels certains d’entre nous posent leur boitier et appuient sur le bouton. Pourquoi à ce moment-là ? Que voyons-nous que les autres ne voient pas ?
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
J’aime le mot confrontation car il donne à chacun la possibilité de s’exprimer. Ce mot est une source de liberté précieuse. Si en plus de cela on lui rajoute le mot photographique je me laisse imaginer que nous pouvons toutes et tous confronter nos points de vue et nos réflexions sur la photo d’aujourd’hui pour mieux défendre et appréhender celle de demain.