Odile Gine
© Odile Gine 2020
Les 10 questions Conf' à Odile Gine
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Je vis et travaille à Paris. Je conçois la photographie comme un lien social et un médium à partir desquels j’élabore des projets qui interrogent sur la place de chacun dans notre société et sur celle de l’animal. Je souhaite ainsi retransmettre une émotion qui appelle à la réflexion.
Quel est votre parcours photographique ?
La photographie a toujours été pour moi un moyen d’expression, du plus instantané – capturer un instant, une émotion-, au plus conceptuel – partager un sujet de réflexion. Dès l’adolescence, je photographiais en argentique des portraits de personnes que je connaissais. Pendant longtemps j’ai considéré la photo comme un instant de plaisir et non comme une profession. J’ai été médiatrice culturelle, puis rédactrice et correctrice. C’est seulement en 2012 que j’ai ressenti le besoin d’en faire mon métier. Un besoin pour communiquer sur des sujets qui me taraudaient. J’ai donc intégré une école de photographie à Paris, l’EFET, pour connaître les rudiments du métier. Depuis 2013, en tant que freelance je travaille pour des entreprises (portraits, accessoires), et je conçois et réalise des reportages photographiques ainsi que des séries artistiques. Depuis 2018, j’ai intégré le Studio Hans Lucas qui collabore avec des agences de presse. J’ai également animé des ateliers d’éducation à l’image auprès d’un jeune public afin de faire découvrir la photographie autrement qu’à travers des selfies mais comme un outil de communication et d’observation. Ce fut une très belle expérience que j’espère renouveler également auprès d’un public d’adultes.
3Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Une photo qui provoque une émotion, qui raconte une histoire et qui interroge.
Comment réalisez-vous vos photos (prise de vue, traitement, etc…) ?
Qu’il s’agisse de reportages ou de séries artistiques je travaille longtemps à l’avance mes sujets avant de passer à la prise de vues : beaucoup de recherches portant sur la thématique, puis un travail d’écriture. Vient s’ajouter le dessin à la manière d’un story board pour mes séries artistiques, qui ne laissent guère de place au hasard. Quant à la prise de vues, je travaille en numérique mais j’apporte beaucoup d’importance au tirage Fine Art. La photo n’est plus la même selon le choix du papier. Avec « Ceci n’est pas une vache » j’ai intégré pour la première fois d’autres supports, la vidéo et l’installation, qui sont venus naturellement enrichir la portée du message. C’est une expérience que je renouvellerai, à condition que la série s’y prête, car je trouve que le mélange des supports apporte une ouverture à la photographie qui évolue et ne reste pas figée.
Qu’est ce qui les inspire ?
Pour le thème : une émotion, une révolte, un besoin de communiquer.
Pour l’éclairage et le cadrage : certains films cinématographiques.
J’ai une maîtrise de cinéma et pendant mes années estudiantines j’ai baigné dans l’analyse filmique. Cela explique peut-être pourquoi il m’est très difficile de ne pas travailler en série. J’ai besoin que les photos s’articulent entre elles et qu’elles racontent une histoire.
Je suis particulièrement sensible à l’univers des films de Jim Jarmusch, David Lynch, Terence Malick, Wong Kar-Wai et Darren Aronofsky mais encore bien d’autres, plus anciens, tels que Akira Kurosawa, Pasolini… Visconti avec ce chef d’oeuvre la Terra Trema… Et je préfère m’arrêter là… Mais peut-être que tout cet univers m’a probablement marqué sur le choix et le traitement d’un sujet.
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Nick Brandt, Sebastião Salgado, Marc Riboud, Steve McCurry, Abbas, Nan Goldin, Orlan, Richard Avedon, Dorothea Lange, Michael Akerman, Paolo Roversi, Sarah Moon, David LaChapelle, Pierre et Gilles, August Sanders, Gilbert Garcin, Yann Arthus-Bertrand, Vincent Munier et bien d’autres…
Quelle photo rêveriez-vous réaliser ?
Une photo de l’homme et de l’animal projetée sur la façade d’un immeuble.
Quels sont vos projets actuels ?
Finir le premier reportage d’une série qui en regroupera plusieurs dont la thématique porte autour du vivre autrement.
Quelle série nous présentez-vous lors de cette édition des Confrontations Photo ?
« Ceci n’est pas une vache ». Son titre fait référence à une affiche publicitaire pour un collectif de viande de bœuf. La légende s’y inscrivait mot pour mot au-dessus d’une vache en train de brouter. Je trouvais le clin d’œil à la Magritte mal à propos et guère acceptable. Cette campagne publicitaire allait trop loin et témoignait clairement des rapports que la société entretient avec les animaux. L’animal y apparaît non plus comme un être vivant mais comme un produit de consommation. Je décidais de travailler autour de cette affiche et durant l’été 2017 l’occasion de photographier des élevages de vaches s’est présentée.
J’ai ainsi pu rencontrer 5 éleveurs et pu photographier différentes races. Ces clichés ont nécessité un travail de post-production qui consistait à détourer les bovins pour les transférer sur un fond blanc : le blanc comme base de la série (couloir froide, aseptisée comme la morgue). Portraits, morcellements, démultiplications, installation et diaporama forment ainsi l’ensemble de la série qui questionne sur le traitement réservé aux vaches à l’ère de l’industrie agro-alimentaire et sur notre part de responsabilité.
Pour terminer, que vous évoque l’expression « Confrontations photographiques » ?
Le terme confrontations, au pluriel, n’invite ni le public ni le photographe à rester passifs. C’est un foisonnement de partages, d’échanges, d’accords et de désaccords. C’est une dynamique encouragée par ce festival qui bouillonne de nouveautés, qui n’a pas peur de mélanger les genres et de proposer d’impressionnantes scénographies.