Jérôme Cherrier
Série « Safari urbain » © Jérôme Cherrier 2024
Les 10 questions Conf' à Jérôme Cherrier
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Je suis né en 1973, dans le département des Yvelines (78).
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attiré par l’image.
C’est donc tout naturellement que je me dirige vers la photographie, et ce, lors de l’explosion du numérique. Ainsi, depuis l’achat de mon premier appareil photo numérique en 2004, je n’ai eu de cesse de progresser.
Je me consacre à la photo de rue, de voyage ou animalière ainsi qu’au montage photo.
Quel est votre parcours
photographique ?
Ma pratique de la photographie coïncide avec l’apparition des forums sur Internet. Ce média m’a permis de progresser en y glanant des conseils, des avis, des critiques constructives. Ces forums ont nettement contribué à mon apprentissage de la photo. En parallèle, je me tourne vers les ouvrages des grands maîtres, cherchant à comprendre leurs œuvres et j’apprends ainsi à utiliser les logiciels de traitement d’image.
En 2008, je participe à ma première exposition collective dans mon département de naissance : le Salon de la photo de Neauphle-le-Château. Au fil des ans ce rendez-vous devient incontournable.
J’y participerai chaque année. Apprenant à construire des séries, mettre en scène les clichés. Plusieurs prix ont récompensé mon travail.
J’ai également participé à d’autres expositions dont l’une d’entre elle m’a valu le prix du jury en 2012 à l’exposition Réflex Photo de Guyancourt (78) avec un montage photographique réalisé sur Photoshop.
En 2018, ma série « Look Up » a été retenue pour être vendue à la galerie « La Place des Photographes » en Arles.
En 2019, la ville de Maurepas (78) me convie en tant qu’invité d’honneur du salon d’Arts Maurep’Art.
Fin 2019, Guyancourt la ville dans laquelle je réside me consacre un mois d’exposition à l’Hôtel de Ville.
En 2020 j’ai été édité dans le numéro 13 de la revue participative Niepcebook sur le thème de l’architecture.
Durant l’été 2020, je réitère avec fierté l’expérience d’exposer durant tout le mois d’août à La Place des Photographes en Arles. S’en suivra, une première exposition aux Confrontations photos de Gex puis une mise en avant au festival Photographique de Moncoutant sur Sèvre et une exposition sur le thème de l’architecture à Viroflay (78) en 2022.
J’ai participé également à des expositions (Château-Thierry, Châtenay Malabry, Murat) avec le collectif de photographes « Minuit 9 » dont je fais partie.
Pour vous qu’est-ce qu’une bonne
photo ?
Vaste question… La bonne photo est pour moi celle que j’aurais aimé faire. Nous connaissons tous les règles académiques qui concourent à composer une photo, mais nous savons qu’il faut aussi s’en affranchir.
Il y a un côté très subjectif pour qualifier ou disqualifier une photo. Le ressenti prenant le pas sur la technique. Une bonne photo n’est pas universelle. Cependant le jugement d’autrui tend à influencer la « qualité » d’une photo. Lors d’expositions, les visiteurs sont le meilleur baromètre. Si le public s’arrête devant votre photo, c’est qu’elle a attiré l’attention. C’est un premier pas vers une photo « réussie ».
Les photos de Raymond Depardon, notamment lors de son tour de France, déclenchent chez moi un moment cathartique voire hypnotique. Elles induisent l’envie de les contempler inlassablement. Et c’est vers quoi je tends humblement, avec mes photos. En l’occurrence, que les personnes s’interrogent, s’approchent, s’en éloignent, en discutent, y reviennent.
Une bonne photo, selon moi ne souffre pas de demie mesure, elle fait parler ou au contraire appelle au silence. Mais en aucun cas elle ne doit laisser indifférent.
Dire qu’une photo est réussie ou non est de l’ordre de l’intime. L’objectif cédant au subjectif. Une gageure pour un photographe…
Comment réalisez-vous vos photos (prise de vue, traitement, etc…) ?
La façon dont je réalise mes prises de vue diffère selon ce que je souhaite prendre en photo et les séries que je décide d’enrichir. Je peux partir pour faire de la street avec un 35 mm en focale fixe.
Pour de l’architecture, je combine un 16-35 et un 24-105. Plus rarement j’utilise le 70-200.
J’affectionne tout particulièrement la nuit. C’est un moment privilégié. L’atmosphère y est différente, mon esprit est plus disponible pour la photo. Toujours cette idée de catharsis.
La suite est très classique. Je compose mon image mentalement et attend le bon moment pour déclencher. J’essaye d’être le plus rigoureux possible au moment de la prise de vue.
Je prends beaucoup de plaisir ensuite à retravailler mes photos. C’est pour moi une étape essentielle du processus de création. Je joue essentiellement sur la luminosité et le contraste en les retravaillant par zones.
Et ainsi, mettre en avant des détails que je considère essentiels à la photo. Soit parce qu’ils se trouvent à des endroits stratégiques de la composition soit tout simplement pour attirer le regard. Par le jeu de la lumière, j’oriente l’œil là où je veux qu’il se porte.
Je m’amuse également à réaliser des montages photographiques afin de créer ce qui ne peut être pris en photo. C’est un exercice passionnant. La photo devient alors un support créatif et n’est plus une finalité. Même si ce montage est créé uniquement à partir de photographies.
Et pour aller au bout du processus, il faut un tirage de qualité mettant en valeur le travail effectué…
Qu’est ce qui les inspire ?
La diversité de mon environnement quotidien. Vivant en ville, je suis particulièrement attiré par l’architecture urbaine. Les lignes, les formes et les contrastes des bâtiments captivent mon regard, et je trouve souvent une source inépuisable d’inspiration dans les détails architecturaux.
Pour autant, ma passion pour la photographie ne se limite pas aux structures urbaines. J’ai également un profond amour pour la nature, et je suis constamment fasciné par sa beauté et sa diversité. A travers mes photos, mon désir est de fusionner ces deux mondes, qu’en apparence tout oppose, et ainsi créer une synergie entre l’urbain et le naturel.
Ma source d’inspiration est donc un mélange éclectique de l’environnement urbain dans lequel j’infuse, de ma passion pour l’architecture, de mon amour pour la nature, du monde sauvage et des divers styles de photographie qui me captivent.
C’est cette combinaison qui alimente ma créativité et me pousse constamment à élargir mes horizons artistiques.
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Les photographes que j’admire sont de grands maîtres reconnus de la photo. J’admire le travail de Raymond Depardon. Il n’est pas une seule de ses photos qui ne trouve grâce à mes yeux. J’aime tout.
Steve Mc Curry me fait voyager à travers ses clichés. C’est un parcours photographique que j’envie tout particulièrement. Chacune de ses photos est un régal.
Willy Ronis également et sa vision de Paris.
Les noirs et blancs de Michael Kenna sont fantastiques.
Nick Brandt et son travail sur les animaux d’Afrique me parle tout particulièrement.
On peut trouver de l’intérêt partout. Beaucoup de photographes sur les réseaux sociaux m’inspirent aussi.
Quelle photo rêveriez-vous réaliser ?
Au-delà d’une photo, ce sont surtout des projets. Un tour du monde photographique par exemple. Mais qui n’en rêve pas ?
J’aimerais continuer d’explorer les grandes villes de notre planète. Shanghai, Singapour, New York, Chicago, San Francisco mais également pouvoir me ressourcer en pleine nature, loin de la suractivité humaine.
Ces deux envies sont très paradoxales mais finalement très complémentaires.
Quels sont vos projets actuels ?
Je continue mes séries en cours : « Look up ! », « Façades », « Animals in black & white », « Safari urbain » …
J’aimerais également prendre en photo les blockhaus de la seconde guerre mondiale qui jalonnent la côte Normande. Et même plus généralement le Mur de l’Atlantique. Ces blocs de béton peuvent être très graphiques. Ils sont aussi le témoignage de notre histoire. Ils sont voués à disparaître, grignotés petit à petit par la mer qui avance. Je souhaite en garder les traces à ma façon.
Je réfléchis également à construire une série avec des silhouettes dans notre environnement urbain. Jouer avec les ombres et les formes…
Quelle série nous présentez-vous lors de cette édition des Confrontations Photo ?
Lors de cette édition, je présente la série « Safari urbain » réalisée avec « trucage » mais sans IA.
Elle s’inscrit comme une exploration visuelle, invitant le spectateur à redéfinir ses perceptions de la cohabitation entre la nature sauvage et l’environnement urbain. Chaque photographie de la série propose une rencontre insolite entre un animal sauvage et l’architecture urbaine, établissant ainsi un dialogue entre la faune majestueuse et le monde nocturne des cités. De manière ludique, « Safari Urbain » suggère que la frontière entre nos milieux de vie et ceux des animaux sauvages peut être plus poreuse qu’on ne l’imagine. Les clichés captent des moments où des animaux curieux viennent observer notre quotidien, soulignant l’ironie amère de cette nouvelle dynamique, nous incitant alors à repenser notre place dans cet écosystème en constante évolution.
Parallèlement, cette série engage une réflexion profonde sur les conséquences du réchauffement climatique.
Les animaux, déplacés de leur habitat naturel, errent dans des environnements qui leur sont étrangers, devenant ainsi les « réfugiés climatiques » de l’ère anthropocène. « Safari Urbain » se veut un appel à la prise de conscience collective sur les changements climatiques, mettant en lumière les conséquences de nos actions sur la vie sauvage.
Ainsi, au-delà de l’aspect esthétique et divertissant, cette série aspire à susciter des questionnements sur notre responsabilité envers la planète et à encourager des actions concrètes pour préserver la biodiversité. Ces images nous invitent à repenser notre relation avec la nature sauvage et à reconnaître que, dans ce safari urbain contemporain, nous partageons un même territoire où la coexistence pacifique est cruciale pour l’avenir de notre planète commune, la seule que nous ayons.
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
Confrontation renvoie à l’image d’un face-à-face. Dans le cadre de cet évènement, il peut être à deux niveaux.
Tout d’abord confronter un travail photographique élaboré sur plusieurs mois ou années à un jury.
Derrière cette démarche prévaut, pour le photographe, une forme d’aboutissement. Cela signifie que le portfolio proposé est suffisamment abouti pour être soumis à ses pairs.
Le second niveau, une fois cette sélection passée et réussie, est le face-à-face, la rencontre avec le public.
C’est tout l’intérêt de ces confrontations, la présence des artistes lors de l’exposition. Pour avoir déjà participé à de précédents évènements, la richesse des échanges avec les visiteurs reste pour moi un souvenir marquant.
Ces confrontations renvoient donc aux rencontres, aux échanges, aux débats. Quoi qu’il en soit, ces dernières ne seraient pas ce qu’elles sont sans la bienveillance des gens réunis autour d’une même passion y compris les organisateurs.
Que du positif assurément…