Fab Rideti
Série « Naphta Tribes » © Fab Rideti 2024
Les 10 questions Conf' à Fab Rideti
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Je suis plasticienne et photographe. Être artiste est pour moi à la fois un besoin et un devoir : le besoin de raconter des histoires, de parler à l’enfant qui sommeille en nous, et le devoir de m’adresser également à notre dimension adulte responsable, pour servir des sujets contemporains essentiels et donner à réfléchir.
Je me définis davantage en « maker » (fabriquant des univers imaginaires qui illustrent mon propos) que « taker » (saisissant le réel ).
La création me permet d’introduire le jeu, la dérision, comme autant de véhicules pour une prise de conscience qui prend appui sur l’intelligence du public. Plutôt que de culpabiliser, je préfère l’inverse : nous remettre aux commandes de notre monde, par la poésie, la théâtralisation, les costumes liés au sujets que je traite. J’aime jouer avec nos fissures et nos contradictions, et illustrer de façon positive la tension entre notre capacité à créer le pire comme le meilleur, et ce, toujours avec une certaine tendresse, teinté d’humour parfois .
Mon nom d’artiste, Rideti, signifie « sourire » en espéranto.
Quel est votre parcours photographique ?
J’ai toujours su que je serais artiste un jour. Je créais mes propres vêtements à 15 ans. J’ai développé des parfums par la suite. J’ai eu la chance d’exercer des métiers créatifs , mais leur impact et leur dimension artistique me questionnait. Alors j’ai quitté ce confort pour l’inconfort, exaltant, de la création pure, en rejoignant les Beaux-Arts de Versailles, ou je me suis spécialisée en photo. La photo me permet de donner vie à mes univers intérieurs.
Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
C’est une photo devant laquelle on peut rester des heures, parce qu’elle donne à penser, à réfléchir, ou à rêver. Elle nous touche, fait écho à un souvenir, et procure une émotion authentique. Peu importe sa technicité. La même photo peut être fade pour l’un, troublante pour l’autre.
Comment réalisez-vous vos photos (prise de vue, traitement, etc…) ?
La préparation de chacune d’elle est très longue, et fait partie de mon plaisir de création.
Je travaille comme pour une pièce de théâtre : j’écris un propos général, je me documente, j’imagine l’histoire, les personnages. Je prépare des planches de recherches de costumes, je repère des lieux, et fais le casting des modèles.
Puis je conçois et réalise moi-même les accessoires et costumes, avec des matériaux de récupération, essentiels pour des raisons différentes : plastiques pour tourner en dérision notre addiction à cette matière nuisible in fine, cartons pour évoquer ces forêts que l’on détourne de leur magie première, etc…
Je fais la prise de vue in situ, en numérique, avec des flash autonomes. Les personnages sont réels, dans des décors réels, avec costumes et accessoires . Et le spectacle commence…
Qu’est ce qui les inspire ?
Mon histoire personnelle, mes rêves d’enfant, mes lectures, l’actualité, pour le sujet,
Les peintres flamands, pour la lumière,
Le cinéma et le théâtre pour la mise en scène et les costumes
L’envie d’être utile, une invitation à changer nos comportements, respecter le monde qui nous porte.
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Gregory Crewdson, Erwin Olaf, Julia Fullerton Batten, Alex Prager, Stephan Gladieu, Cindy Sherman et tant d’autres qui me font rêver à chaque image…
Quelle photo rêveriez-vous réaliser ?
Un portrait mis en scène du chanteur M qui a su garder une âme d’enfant, et transmet des valeurs que je partage.
Quels sont vos projets actuels ?
E-forest, une série qui met en scène les êtres mythiques de la forêt, chassés par la déforestation et notre surconsommation d’emballages carton…
Quelle série nous présentez-vous lors de cette édition des Confrontations Photo ?
Naphta Tribes, une série de portraits de guerriers imaginaires, derniers représentants de notre génération, parés de plastique de récupération, une matière qu’ils prétendent noble alors qu’elle est en train de causer leur perte. J’essaie de sensibiliser à l’usage abusif du plastique et son impact sur les océans.
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
La confrontation des regards, des photographes et du public, la confrontation des opinions , pour en ressortir tous plus riches.