Sylvain Chapeland
Cette année, le festival des Confrontations Gessiennes de la Photo souhaite réserver un espace à la photo « technique » qui n’est en rien une sous-photographie – et ce qui suit le démontre parfaitement – mais bien une démarche particulière pour laquelle la gestion de contraintes matérielles et techniques est indissociable de la mise en scène finale, au service d’un esthétisme spectaculaire.
A l’instar de Cédric Delsaux, Sylvain Chapeland va réellement nous emmener dans les étoiles avec ses images « astro ». Le résultat de sa quête est proprement époustouflant. Qu’il photographie des galaxies, des nébuleuses, et autres amas lointains ou simplement notre vieille Lune, qu’il les traite en couleur ou en noir et blanc, le résultat est toujours saisissant, frisant parfois la création pure. Cerise sur le gâteau, Sylvain présentera sur place une bonne partie de son matériel ainsi que de nombreuses animations.
Les 6 questions « Photo Tech’ » à Sylvain Chapeland
Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Originaire d’un village de Haute Savoie, j’ai toujours eu les yeux tournés vers le ciel, le jour comme la nuit. J’aime parcourir les montagnes d’ici et d’ailleurs pour m’en approcher un peu plus.
Quel matériel spécifique est utilisé pour votre mode photographique ?
On peut commencer à photographier le ciel nocturne avec un simple trépied et des poses de 30 secondes. Mais pour saisir les quelques photons des objets du ciel profond, il faut souvent poser des heures. Une monture motorisée compensant la rotation terrestre, et asservie par ordinateur avec une caméra et une lunette guide, sont nécessaires à un suivi de qualité. On doit également trouver un compromis entre une optique lumineuse, sans aberrations pour obtenir un bon piqué d’étoiles, et avec une focale importante pour se rapprocher assez du sujet. Les plus grandes nébuleuses se laissent taquiner avec 200 mm, les galaxies commencent à montrer des détails autour de 1000 mm, et les observations à haute résolution du système solaire requièrent une focale extravagante de 5m ou plus.
Pour l’acquisition des images, les boîtiers reflex numériques donnent de bons résultats. Pour une plus grande sensibilité, j’utilise également une caméra avec capteur CCD monochrome refroidi.
Quelles sont les difficultés et particularités techniques liées aux photos « astro » ?
On retrouve certaines contraintes communes aux autres domaines de la photo: composition, créativité, patience … et souvent chance, pour être là au bon moment!
En astrophotographie, les embûches matérielles me semblent assez nombreuses, et augmentent d’ailleurs généralement avec la focale. On peut agir sur certains paramètres (mise au point à renouveler pendant la nuit à cause des dilatations thermiques, guidage pour compenser les imperfections de l’entraînement), mais d’autres sont hors de contrôle (flexions mécaniques, instabilité de l’atmosphère). On progresse doucement, il y a toujours à améliorer (ce qui en fait d’ailleurs le charme !). De la rigueur à toutes les étapes de la prise de vue aide à obtenir de bonnes données brutes.
Mais ce qui fait peut être la particularité de la photo astronomique, outre le matériel d’acquisition, c’est toute la partie traitement d’image. On injecte dans des logiciels spécialisés plusieurs dizaines d’images (de l’objet, mais aussi des images de calibration noires et d’uniformité du champ de lumière) pour cumuler le temps de pose, minimiser les imperfections du capteur, et tirer le meilleur rapport signal/bruit sur l’image finale. Ces techniques sont d’ailleurs très performantes pour tous les types d’images en basse lumière… pour peu que le sujet soit aussi patient que l’immuable voûte céleste !
Comment êtes-vous venus la photo « astro » ?
Au sens «parcours photo», plutôt que où je vais, l’astrophoto c’est d’où je viens ! J’ai commencé l’astronomie enfant, peut être par fascination pour les images colorées des nébuleuses, plus particulièrement celles prises par David Malin dans les années 80. J’ai d’abord observé aux jumelles, puis dans un télescope. Très vite, j’ai eu envie de mieux saisir ces objets ténus, que l’on ne fait souvent que deviner à l’œil nu. Et c’est ainsi que j’ai utilisé mes premières pellicules, sur le ciel la nuit. C’est seulement ensuite, dans la continuité d’une recherche d’esthétisme, que je me suis intéressé à la photo d’autres espaces, à viser un peu moins haut, entre terre et ciel, et plus particulièrement en montagne. Outre les innombrables opportunités de notre région, j’aime arpenter les endroits reculés de notre planète l’appareil à la main, à la recherche de cieux purs, à la poursuite d’espaces sauvages et de phénomènes célestes.
Qu’allez-vous présenter au public des Confrontations (Photos, animations, films, conférences, matériel, etc…) ?
En exposant à travers quelques photos un modeste échantillon du grand spectacle céleste, j’espère avant tout donner envie aux visiteurs de poursuivre le voyage par leurs propres moyens, par l’échange et la discussion. En effet, notre vie urbaine nous déconnecte parfois trop de cet univers merveilleux, observé par nos ancêtres depuis la nuit des temps.
Les amateurs de technique seront j’en suis sûr attirés par le côté pratique de l’astrophoto, et je prépare pour eux des démonstrations ludiques sur les effets du traitement d’image (ce qui sort généralement de l’appareil photo étant souvent très loin d’une belle image en astro !).
En parlant de films, ce sera peut être l’occasion de présenter également quelques courts métrages « timelapse » des mouvements de la voûte céleste en accéléré, réalisables par tous avec peu de matériel… à mi-chemin entre la photo et la vidéo.
Une monture et une lunette seront bien sûr visibles sur le stand pour se faire une idée du matériel.
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
Une opportunité de comparer des points de vue et des techniques entre photographes, d’échanger et de partager avec les autres. Et dans la connotation brutale du mot, pour moi l’occasion d’être surpris, de se poser des questions! Par les images proposées et les sensations qu’elles inspirent… un face à face entre le spectateur et la photo.