Rafael Rojas
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Les 10 questions Conf' à Rafael Rojas
1Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Je suis né en Espagne il y a 37 ans. Après quelques années consacrées à la recherche et l’ingénierie, j’ai effectué un changement d’activité radical en devenant photographe d’art de paysages.
Bien que le jugement sur la photographie reste fortement subjectif, mon travail a été primé dans un grand nombre de concours internationaux de photographie, tels que le prix Master Hasselblad 2014.
Je vis à Pully en Suisse, avec Anca, mon épouse, partenaire et meilleure amie.
2Quel est votre parcours photographique ?
D’une certaine manière, la photographie est entrée tardivement dans ma vie mais elle a créé un grand bouleversement. Je dirais que mon parcours photographique a commencé bien avant que je ne prenne un appareil photo pour la première fois. Il puise son origine dans la curiosité et la fascination pour le monde, la nature, l’inconnu, les questions sans réponses, dans la possibilité de toucher les émotions des autres et les aspects existentiels de notre vie… Je n’ai jamais éprouvé une passion ou une vocation pour la photographie en elle-même, mais elle est bien devenue la pièce manquante du puzzle, le jour où j’ai découvert les possibilités créatives, artistiques et d’expression personnelle qu’elle pouvait m’offrir pour donner une réponse à ces aspects qui me hantaient. Aujourd’hui, plus qu’un photographe, je me considère comme un artiste muni d’un appareil photo. Tout reste à faire et à découvrir, le meilleur est toujours devant nous.
3Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Pour moi, une bonne photographie va bien au-delà d’un simple documentaire sur la réalité, et transcende le particulier dans l’universel. Elle doit se baser sur une forte interprétation personnelle de l’artiste, et doit dévoiler une connexion profonde entre le photographe et le monde qui l’entoure. Des photos simples, graphiques et pleines de mystère qui déclenchent des émotions, touchent l’intellect et laissent des traces dans notre mémoire. Des photos qui ne donnent pas de réponses, mais posent des questions. De la suggestion et de la connotation, au détriment de la simple dénotation.
4Comment naissent vos photos (prise de vue, traitement, impression) ?
Quelques photographies naissent de rencontres fortuites avec le paysage, une lumière spéciale ou bien un événement qui me touche profondément. Le plus souvent, par contre, elles trouvent leur origine dans un projet particulier, une idée qui me hante ou bien un endroit qui me captive, dans lequel j’évolue et je me laisse aller avec mon appareil photo. C’est un processus dans lequel je commence avec un cadre ou une structure définie de manière consciente, pour après laisser mon intuition faire le travail, en collaborant avec le sujet, en établissant un dialogue avec lui. C’est très souvent une fois le travail réalisé que je deviens conscient de ce qui s’est passé, et si mes images arrivent vraiment à communiquer ce que j’avais à dire.
Au niveau technique, si je travaille aussi avec des appareils numériques, j’utilise principalement l’argentique. L’absence de feedback instantané me permet de me concentrer d’avantage sur l’extérieur, sur ce qui se passe autour de moi et d’approfondir ma connexion avec le sujet. J’aime aussi le temps qui s’écoule entre la prise de vue et le moment où la photographie est finalement imprimée. Ce temps, souvent long, me permet de « digérer » l’image, de la redécouvrir comme elle est une fois que la subjectivité du moment est passée. Normalement, je scanne les négatifs à l’aide de mon scanner à tambour, je les travaille à l’ordinateur en utilisant les mêmes techniques du laboratoire argentique (contraste, tonalité, dodging & burning, micro-contraste) et je les imprime sur véritable papier photographique, mais numériquement. A l’avenir, j’envisage d’imprimer en argentique traditionnel et en platinum palladium, avec l’utilisation de négatifs numériques en grand format. L’utilisation d’un système hybride argentique-numérique permet aujourd’hui d’atteindre des niveaux de contrôle, créativité, durabilité et qualité jusqu’à présent inimaginables pour les tirages d’art photographique.
5Qu’est-ce qui les inspire ?
Je trouve une grande source d’inspiration dans la nature. Aujourd’hui, nous vivons les conséquences de la révolution urbaine et technologique. Dans une grande partie du monde, on serait la première génération dans l’histoire de l’être humain à avoir perdu totalement la connexion avec l’environnement naturel dans lequel nous avons toujours évolué. J’utilise la photographie pour renouer ces liens, à mon avis essentiels. C’est aussi dans la nature que nous trouvons, comme le savaient les anciens peintres chinois et japonais, la source de la communion avec le « rythme » du cosmos, la continuité de l’univers, les liens de parenté qui unissent l’homme au reste des êtres vivants et à la mémoire de la terre. Les concepts les plus universels et les plus profonds n’ont pas été inventés par l’homme. Ils se sont trouvés là, dehors, autour de nous, depuis la nuit des temps.
Je photographie aussi le paysage humanisé, très souvent en montrant l’aspect éphémère de notre existence. Des traces humaines, dans un décor indifférent à notre présence… Des images intemporelles, mais qui en même temps dévoilent les traces laissées par le temps qui passe inexorablement pour tous et pour tout.
6Quels sont les photographes que vous admirez ?
Ce sont des photographes dont le travail découle d’un regard honnête et personnel sur le monde, qui savent que la photographie n’est pas le but, mais la conséquence de la vie qu’ils ont choisie. Ce sont des photographes qui ne « capturent » ni ne « prennent » pas des photos, mais qui les construisent en collaborant avec leurs sujets, en écoutant ce qu’ils ont à dire. Ce sont aussi des photographes qui suivent leur voie dans la création de leur travail, et non ce que dictent le marché ou les modes.
J’aime beaucoup le travail photographique de classiques comme Minor White, Brett Weston ou Paul Caponigro. Aussi d’autres photographes contemporains comme Grégory Colbert, Michael Kenna, Arno Rafael Minkkinen, Nick Brandt ou Susan Burnstine me font vraiment rêver avec leurs photographies.
7Quelle photo aimeriez-vous réaliser ?
Bien que dernièrement une grande partie de mon travail se soit faite autour de projets ou de concepts bien définis, je préfère lors de la réalisation laisser la porte ouverte à la découverte, à la surprise, aux rencontres. D’une certaine manière, quand je visualise parfaitement une photographie avant de la réaliser, je perds un peu l’intérêt de la faire.
C’est peut-être pour cela que je dirais que la photo que j’aimerais réaliser et celle qui m’attend à chaque instant, sans que je le sache au préalable.
8Quels sont vos projets actuels ?
Dans le cadre de mon travail personnel, je suis en train de réaliser un projet artistique en tant que lauréat du titre Master Hasselblad 2014, qui fera partie d’un livre et d’une exposition itinérante dans le monde. Je travaille également sur plusieurs monographies qui devraient être publiées ces prochaines années, principalement en noir et blanc, sur plusieurs concepts dont les métaphores visuelles se trouvent dans le paysage, naturel ou construit. La première devrait paraitre bientôt. Je cherche aussi actuellement à nouer des relations de représentation avec un certain nombre de galeries au niveau international.
En parallèle, je travaille au développement du site www.Whytake.net – La Communauté Globale des Photographes de la Nature, dont je suis l’un des fondateurs et directeurs et qui connaîtra une importante évolution ces prochains années.
Pour finir, lorsque je ne passe pas mon temps à photographier ou à écrire, je partage ma passion et mes connaissances avec les autres au moyen de conférences, de stages et de voyages photographiques que j’organise avec ma femme Anca tout au long de l’année en Suisse et à l’étranger.
9Qu’avez-vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?
C’est une surprise ! il faudra venir le voir !
10Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
Je ne suis pas francophone, donc il ne faut pas prendre mes évocations au sérieux ! Si je peux me permettre, j’aurais choisi plutôt le terme « partages photographiques », car le mot confrontation me fait penser à une compétition, une bataille, ce qui est évidemment aux antipodes de l’esprit de votre événement. Quand on photographie, on se met à nu devant son public, on lui donne un morceau de soi sans en attendre quelque chose en retour. La récompense, pour l’artiste, est déjà gagnée, et il ne fait que la partager avec les autres dans ses photographies.