La Fondation Gilles Caron
© Fondation Gilles Caron 2014
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Profondément marqué par l’Algérie et ce conflit qui ne se disait pas, Gilles Caron va intégrer l’agence Apis en 1966 puis Gamma l’année suivante. Il fait sa place dans le cercle restreint des grands reporters de guerre en 67 lorsqu’il couvre avec un talent déjà indéniable la guerre des six jours, puis le Vietnam et l’effroyable bataille de Dak To. Quand il n’est pas à l’autre bout du monde, Caron photographie des sujets sociaux, des politiques, quelques auteurs, des stars du cinéma et de la chanson et bien sûr sa famille, ses deux filles. En 68, il est au Biafra d’abord avec McCullin en avril, puis avec Depardon en juillet. Entre ces deux voyages, il rentre à Paris pour réaliser quelques-unes des photos légendaires des événements de mai. En août 69, à Londonderry, au cœur du drame irlandais, il est témoin par l’image des défilés orangistes et des émeutes qui s’ensuivent. Le même mois, il couvre à Prague les manifestations marquant le triste anniversaire d’un printemps muselé. Début 70, il se rend au Tchad, observateur avec quelques journalistes, du conflit entre les rebelles et l’armée, reportage qui lui vaudra presque un mois de détention sur place.
Quelques semaines plus tard, il se rend au Cambodge où il disparait mystérieusement le 5 avril. Juste avant son départ, il avait dit au grand Robert Pledge « Je vais partir au Cambodge, ce sera la dernière fois. D’ailleurs, je resterai à Phnom Penh, je n’en sortirai pas, je ne prendrai aucun risque »…
De tous les superlatifs attribués à ce photographe de légende, nous retenons cette comparaison de Michel Puech en 2012 : « Caron est une icône. Il est au photojournalisme, ce que James Dean fut au cinéma, Buddy Holly au rock : un héros foudroyé dans la magnificence de sa jeunesse ». Dans la cohorte des grands reporters qui paient un si lourd tribut à la liberté d’information, Caron serait-il entré dans la légende sans une disparition prématurée ? Sans le moindre doute car il était assurément un surdoué de l’image. On est en effet bien loin du mythe quand on évoque le destin de cet homme qui aura trente ans pour l’éternité, même s’il est difficile de réaliser aujourd’hui que la carrière de Gilles Caron n’aura duré que cinq années. C’est pourtant bien lui qui nous aura laissé quelques-unes des icônes les plus fortes du XXème siècle : Moshe Dayan au mur des lamentations, ce GI pensif dont nous avons fait l’affiche des Confrontations, ce combattant biafrais portant des rockets sur la tête, Daniel Cohn-Bendit narguant les CRS devant la Sorbonne, quelques lanceurs de pavés…
© Fondation Gilles Caron 2014