Fabienne Cresens
« La montée des eaux »
Poser son regard sur « La montée des eaux » c’est d’abord se confronter à des images marquantes par leur originalité et par la réelle beauté plastique de ces portraits en noir et blanc. Mais le succès de cette série et les pages qui ont été largement consacrées à la photographe belge Fabienne Cresens en 2015 et encore maintenant, sont indéniablement les signes qu’il y a là bien plus qu’une simple réalisation esthétique : « La montée des eaux » est un message visuel engagé.
Au XXIème siècle, l’humain ne peut ignorer que le niveau des océans s’élève inexorablement. Il le sait et il le voit, mais il semble ne faire qu’osciller entre une agitation que certains considèrent comme parfaitement stérile, et une paralysie de lapin pétrifié par des phares. Dans les portraits de Fabienne Cresens, l’humain – homme borné, femme étonnée, enfant grimaçant – est un peu tel une autruche cachant sa tête, espérant au mieux s’adapter à l’envahissement des flots par d’ostentatoires et futiles artifices… Au pire, il se résigne à n’être qu’un spectateur face à ce que les plus alarmistes décrivent comme une catastrophe annoncée. Ainsi, il renonce à lutter tout en recouvrant ses oreilles d’une anxiolytique et désuète couche fleurie, et en se préparant simplement à ne pas être trop mouillé…
Loin des poncifs pessimistes, le propos plein d’humour de Fabienne Cresens, n’en est pas moins un constat assumé de l’état de notre planète et de l’état d’esprit de ses habitants. Un appel aux gouvernants pour des actions concrètes et réellement efficaces et un message pour tous qui passera aussi par Gex…
« Quand la nature disparaîtra, le bonnet fleuri sera le souvenir du jour où les fleurs avaient leur parfum ». F. C.
Copyright © 2016 Fabienne Cresenshttp://www.picturelle.be/
Les 10 questions Conf' à Fabienne Cresens
1 Qu’aimeriez-vous nous dire pour vous présenter en quelques mots ?
Je travaille sur l’archéologie du réel, ses chutes et ses beautés. Mes photographies sont des visages à pensées, des paysages d’étrangeté, des moments de passion…
Quel est votre parcours photographique ?
Je suis une photographe autodidacte belge. Née en Afrique, je ne cesse depuis l’âge de dix-sept ans, (grâce à mon père qui m’a offert mon premier appareil photo) d’élargir le champ de mes recherches, de l’argentique au numérique aujourd’hui, avec ce que je nomme des objets photographiques, qui ouvrent la voie à de nouvelles expérimentations.
3Pour vous qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Lorsque l’auteur a pu concilier le fond avec la forme, que le sujet est en harmonie avec l’esthétique. J’aime la recherche de l ‘équilibre, du sens graphique lié à l’émoi du sujet, ainsi que son originalité. C’est celle qui vous procure une bouffée de bonheur, qui vous donne une jouissance intellectuelle. Celle qui vous submerge émotionnellement, qui vous interpelle, vous emmène dans de nouvelles sphères.
Comment naissent vos photos (prises de vue, traitement, impressions) ?
Mes séries naissent souvent à partir d’une seule photo réalisée parfois par hasard et mettent alors plusieurs années à s’épanouir. « La Montée des Eaux » a mis quatre années à se finaliser. Pour les portraits, j’aime utiliser le papier Coton qui donne un velouté extraordinaire aux noirs.
Qu’est ce qui les inspire ?
Les sujets susceptibles d’avoir une profondeur poétique surtout…
Quels sont les photographes que vous admirez ?
Trois photographes belges d’abord : Stephan Vanfleteren pour ses portraits d’une vérité absolue, Michel Vanden Eeckhoudt, (décédé en mars 2015) pour sa poésie animalière, Jean-Marie Ghislain, photographe-plongeur, pour son travail graphique en n/b sur les requins et sa démarche de sensibilisation, et puis les autres Nick Brandt et ses animaux d’une puissance humaine, Oleg Dou pour sa singularité, Erwin Olaf, Jan Saudek pour sa folie, Annie Leibovitz, Dorothea Lange, Karl Blossfeldt pour son esthétisme de la nature, Irving Penn, Man Ray, Imogen Cunningham pour ses portraits d’artistes, Sarah Moon, André Kertesz, Manuel-Alvarez Bravo, Sebastio Salgado, Joel-Peter Witkin, Jean-Marie Périer, Ralph Gibson, Bruno Mercier (Prix Zoom 2015) pour son nb magistral, Martine Franck et ses portraits d’artistes…
Quelle(s) photo(s) aimeriez-vous réaliser ?
J’ai mis la question au pluriel. Des rêves fous à profusion mais pour commencer la série : être photographe de plateau du prochain film « Mad Max », être celle du metteur en scène américain Robert Wilson, photographier le métro de Moscou…
Quels sont vos projets actuels ?
Pour 2016, j’expose une série de portraits en noir et blanc « Eternelle Jeunesse », un essai de sensibilisation à la vieillesse, ainsi qu’une série de portraits musicaux « Feu sur scène ». Et bien évidemment continuer à exposer « La Montée des Eaux ».
Qu’avez vous envie de nous montrer lors de la prochaine édition des Confrontations ?
Si vous m’y invitez, ce seront les sourires d’« Eternelle jeunesse ».
Pour terminer, que vous évoque l’expression « confrontations photographiques » ?
Des mélanges harmonieux ou non d’univers photographiques qui amènent à la réflexion et aux échanges sur la différence.